Le Charbonnier du siècle dernier
Posté par francesca7 le 3 mars 2013
En parcourant les bois, on peut voir encore les nombreuses traces laissées par les charbonniers ; il s’agit des plates-formes circulaires où étaient élevées les meules.
A Courcelotte (21) vit une famille qui a compté quatre générations de charbonniers.
Drôle de vie et drôle de métier que celui-ci !
Le charbonnier vit dans la forêt avec sa famille ; là où se trouve un « chantier » de bois à carboniser, il bâtit sa hutte de branchages et de terre, y installe un mobilier sommaire qu’il transporte sur sa charrette à âne. Plus tard la cabane sera en planches, plus vaste, démontable à volonté et transportée par camion. Dans sa forêt, le charbonnier vit en autarcie. Il élève des volailles pour la viande et les œufs (poules, canards, dindes), un cochon pour la viande et le gras, des chèvres pour le lait, un âne ou deux pour les transports.
Dans ces conditions difficiles, les enfants vont à l’école à pied, tous les jours, comme les autres. Ils partent le matin, avec la « gamelle » et ne rentrent que le soir. Lorsque le chemin est particulièrement long, le maître les laisse partir un peu plus tôt que les autres afin qu’ils soient « rendus » avant la nuit, en hiver. Le trajet de la cabane à l’école peut aller jusqu’à 5 km…. Durant une année scolaire, ces enfants changent en moyenne trois fois d’école.
Le charbonnier passe après les bûcherons. La charbonnette, empilée quelque part dans la forêt, sèche là depuis un an. Les piles sont constituées de tronçons de 73 cm de long et dont le diamètre varie de 4 à 15 cm. Le premier travail consiste à aménager une aire circulaire horizontale d’une dizaine de mètres. Munis de pioches et de pelles, les hommes aplanissent le coteau et débarrassent la plate-forme et tous les débris et surtout des racines. Il ne doit pas subsister le moindre bout de racine sous la meule, c’est préjudiciable à a carbonisation. Cet aménagement dure environ 4 heures. Quant au montage de la meule, il faut compter 5 heures. Le charbonnier commence par en repérer le centre au moyen d’un poteau vertical et en mesure le diamètre, en pieds (ses pieds à lui, comme les enfants font des « pas de fourmi » dans la cour de l’école). 20 pieds permettent de ranger 18 stères de bois ! Mais ce n’est jamais suffisant, notre homme, grand, sec et noueux comme un morceau de charbonnette, pousse jusqu’à 24 pieds pour y placer 22 stères !
Autour du piquet central, la cheminée étroite est montée par séries de trois bouts de bois en triangles superposés. Ensuite c’est verticalement et morceau par morceau que les 22 stères de bois sont serrés en rond autour de la cheminée sur deux étapes. La meule est alors recouverte de feuilles, de mousse ou d’herbe selon les matériaux que l’on peut trouver aux alentours. Elle est allumée au moyen d’une pelletée de braises versée dans la cheminée.
C’est à partir de ce moment qu’une surveillance impérative, 24 heures sur 24 heures, est nécessaire pendant quatre jours. Il faut contrôler la combustion de l’ensemble en bouchant ou non la cheminée avec une grosse motte de terre. Dès que des flammes sortent par cette cheminée, celle-ci est bouchée, la meule est « chaude ». (Pendant la deuxième guerre mondiale, ces flammes durent être camouflées pour ne pas leurrer les avions alliés qui effectuaient des parachutages dans la région).
Un peu plus tard, une belle fumée blanche s’élève de la couverture de feuilles et de mousse, autour de la cheminée, il faut alors recouvrir de terre pour étouffer le feu qui gagne lentement la périphérie de la meule. Le charbonnier suit l’évolution du feu à l’intérieur grâce à la fumée qui s’échappe. Comme il ne doit y avoir ni flamme, ni oxygène, on recouvre de terre, à mesure que
le feu avance. Au bout de quatre jours le processus de carbonisation est terminé, la meule refroidit.
A l’aube du cinquième jour, le charbonnier défait l’ensemble, en commençant de nuit, pour repérer et neutraliser immédiatement d’éventuels foyers mal éteints qui ne se voient pas de jour. Le charbon « dépoté » est mis en sacs de 50 kg. Une telle meule produit environ une tonne de charbon de bois d’excellente qualité. Cette production est débardée avec des attelages bœufs, de mulets, puis des tracteurs (après la deuxième guerre mondiale). Des camions transportent les sacs de charbon de bois vers Paris où on l’utilise dans les fonderies.
Cette activité de « bagnard » s’est arrêtée en 1963-1964, lorsque les combustibles modernes et peu chers ont saturé le marché. Le marchand de bois ‘est fait marchant de pétrole, après avoir débauché ses bûcherons et ses charbonniers….
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