Le Maréchal-Ferrant de 1900
Posté par francesca7 le 3 mars 2013
A Dompierre en Morvan (21), les maréchaux se chargeaient de toutes les pièces métalliques que l’on pouvait trouver à la ferme, sur les différents véhicules ou machines. En collaboration avec le charron , il équipait tombereaux et chariots des ferrures nécessaires qu’il façonnait sur l’enclume, ajustait puis boulonnait en place. Sans cesse, il est sollicité par les agriculteurs pour ferrer les bœufs, les ânes, ou les chevaux. Ce travail, exigeait force et habileté, générait toutes sortes d’exploits, comme par exemple, ferrer seul les quatre pieds d’un cheval en une heure….
Impressionnant ! Lorsqu’on sait qu’il faut déclouer le fer usagé, retailler le sabot de l’animal en lui maintenant, seul, la jambe relevée à l’aide d’une courroie de cuir, ajuster à chaude le nouveau fer au sabot en le réglant sur l’enclume puis le clouer solidement sans blesser le cheval…
Le labour de la terre mélangée à l’arène granitique de notre Morvan use terriblement le soc de la charrue que le « maïchaux » doit rebattre périodiquement ; porté au rouge dans le brasier de la forge, le soc est ensuite maintenu sur l’enclume à l’aide de pinces tandis que le marteau frappe régulièrement le métal pour l’étirer, pour reconstituer la pointe usée et redonner du tranchant.
Autre travail important du maréchal, toujours en collaboration avec le charron, c’est le cerclage des roues. Le cercle est fabriqué à partir d’une barre de métal plat dont la longueur est soigneusement mesurée au moyen d’une petite roulette. En suivant la circonférence de la roue avec cet instrument, on compte le nombre de tours que l’on reporte exactement sur la barre de fer. Au diable les formules mathématiques et le système métrique !
Si le diamètre des roues (1 m et 1,35 m pour le chariot, 1,45 m pour le tombereau) fait appel au système décimal, la largeur des jantes, donc du cercle, est en « pouces » (1 pouce= 27 mm). On utilise également de « pied », mais un pied un peu particulier : 333 mm au lieu de 324 mm (12 pouces), de sorte que 3 pieds fasse un mètre. C’est avec cet instrument hybride et le « pifomètre » (qu’on appelle aussi tour de main ou savoir-faire) que ces artisans travaillent ;
Coupée à la bonne longueur, la barre de trois pouces passe dans la machine à cintrer et se retrouve transformée en un cercle dont il faut souder à chaud les extrémités. Le cercle terminé, le maréchal vérifie à nouveau sa circonférence. S’il est trop cours ou trop long, la machine à « refouler » est prête à le rectifier toujours à chaud, au niveau de la soudure, soit en étirant le métal, soit en le refoulant, selon le cas. En fait, pour assurer un bon serrage sur le bois, le cercle est légèrement plus court que la roue. Pour le mettre en place facilement, on joue sur la dilatation du métal.
Le jours du cerclage, le maréchal dispose concentriquement les cercles de tailles différentes sur des cailloux et empile les autres. Il recouvre le tout de fagots et de charbonnette et y met le feu. Pour économiser fagots et vois, on ne fait qu’une seule flambée. Un énorme tas de sept ou huit paires de cercles est mis à chauffer au milieu du chemin de « Bretagne », à l’écart des habitations, mai à côté d’un « creux » pour y puiser de l’eau.
Pendant ce temps, le charron qui participe à l’opération apporte toute sa fabrication. A proximité, la roue non cerclée est posée sur des plots, solidement ancrée au sol par le moyeu. Des arrosoirs pleins d’eau attendent, à portée de la main. Lorsque le feu n’est plus qu’un tas de braises ardentes et surtout quand le maréchal juge, à la couleur, que son métal est à point, alors trois paires de bras armés de pinces arrachent au brasier le plus grand cercle et l’emportent prestement sur la roue qui attend. Tandis que l’un fait rentrer le cercle à coups de marteau, les autres ont déjà saisi un arrosoir pour refroidir le fer incandescent qui enflamme, aussitôt qu’l le touche, le bois de la jante. Cette opération délicate doit être parfaitement préparée et menée très rapidement. Dès que la première roue est cerclée, l’équipe passe vite à la suivante, et ainsi de suite une bonne quinzaine de fois. L’enfer !
A partir des années 1950, ce métier a évolué sans disparaître aussi brutalement que celui du charron. S’il n’a plus de chevaux à ferrer ou de roues à cercler, le maréchal-ferrant se fait vendeur et réparateur de machines agricoles, tout en continuant de pratiquer la serrurerie, de quoi attendre la retraite …
Le roulement des bandages métalliques sur le caillou de la route rythmé par le pas sonore des chevaux est définitivement remplacé par le rugissement des chevaux-vapeur plus ou moins « turbo-compressés », mais pour combien de temps encore ? La « civilisation lente », en s’accélérant ainsi, a perdu aujourd’hui de ses odeurs anciennes…
Publié dans ARTISANAT FRANCAIS | Pas de Commentaire »